Bérénice scolaire, hier au Centre Dramatique national de Nanterre où commence une série de représentations théâtralement des plus médiocres L'œil extérieur de cette production, le metteur en scène, est aussi le directeur, et depuis de nombreuses années, de ce splendide théâtre nanti.
Il a donc pu répéter, travailler, dans des conditions enviées de théâtre en ordre de marche et d'équipe technique à disposition.(37 techniciens intermittents, 14 permanents techniciens, mais sans permanence d'acteurs)
La distribution de Bérénice en comporte 7, partis pour une cinquantaine de représentations à Nanterre.
À la demande du metteur en scène que l'on verrait mieux assurer des cours à l'école plutôt que de tâter à l'art, les acteurs détaillent les vers. Ils jouent le mot et décortiquent une explication de texte, pédagogique, aplatissante, laborieuse, vieillotte, y compris dans les introductions potachiques de phrasés comiques. (Simon pour si mon…, putain pour …put involontaire.. etc..)
Hormis Martine Vandeville qui restitue dans les quelques répliques de Phénice et par sa concentration d'actrice l'attention tragique, hormis les quelques moments où Hamou Graïa ("Anti-ochus" !) s'échappe par accrocs de son carcan appliqué, les acteurs sont hors Racine, et sa perpétuelle lutte agonale, ses hallucinations, son furtif, sa transe, ses vacillements, ses pertes.
Leur art d'acteur est dévalué. Ceux-là jouent dans Bérénice comme ils liraient du Descartes.
L'Empereur Titus, est particulièrement mal choisi et mal conduit dans le rôle. Assis ou debout, il n'a aucune classe, et porte sans allure un costume de manant. Il a un jeu d'acteur télé, c'est à dire machinal et désinvolte. Le personnage semble être sous la coupe d'un punitif Paulin, lui aussi bien anodin.
Arsace, issu du Conservatoire National Supérieur de Paris, (2000 jeunes candidats, une vingtaine d'intégrés, trois ans d'études plus deux ans de prise en charge par le Jeune Théâtre national) choisi déjà à plusieurs reprises par le metteur en scène, est particulièrement à côté du rôle dont il ne fait rien. Beaucoup d'acteurs débutants, mais absents de cette distribution, ont plus d'étoffe.
Bérénice n'est pas une révélation. Elle est trop verte. C'est une grande fille svelte, un peu raide, qui joue la reine juive. Elle est sans risque. Un peu mieux qu'appliquée. Ne brûle pas et ne touche guère.
La très grande bande de plateau disposé en bi-frontal (celui du Phèdre de Vitez à Ivry) contribue pour Bérénice à diluer le resserré de la pièce et son principe tragique bien aussi important que l'unité de lieu et de temps et qui est l'unité de danger. Laquelle, chez Racine organise tout et a une origine unique.
Le dossier de presse s'appuie sur Roland Barthes et sur un enseignant de Paris X lequel a publié chez Gallimard un livre attendu depuis deux mille ans "Qu'est - ce que le théâtre ?"
Dans le passage cité par le "dossier pédagogique" l'universitaire prend appui sur ce qu'il a vu des mises en scène du directeur de la structure, éclairant selon lui, le conflit tragique.
S'en suivront rencontres et débats.
L'ambiance lugubre au bar du théâtre déserté par les spectateurs, après le spectacle, l'absence de joie artistique, de désir, de paroles libres, donne un bref aperçu du ligotage auquel seront soumis les malheureux captifs.
Quand le culturel tue l'esprit.