J'ai bien aimé la comédienne hier, au petit Essaïon. Elle est parfaite dans ce qui lui est demandé.
Le théâtre est un art très ingrat et le rapport scène salle plafond bas de la cave Essaïon implique un type de jeu, naturaliste, que personnellement je n'aime pas tellement, mais cela ne m'empêche pas de voir le travail, et d'apprécier Nathalie Grauwin en jeu et mise à nu.
J'ai plus de réticence sur l'œil extérieur que je trouve bridant pour une expression d'artiste (jeu quotidien, ne pas risquer l'excès etc...) et sur la bande son, sentimentale de mon point de vue.
Est-ce la comédienne qui a choisi ce texte ?
Si oui, elle n'a pas assez réfléchi au comment elle serait perçue en tant que personne:
Le travail fait par la comédienne et le metteur en scène, je suppose, montre une identification totale au JE de Michèle Manceaux. Or ce JE, assez mesquin, est bien moins intéressant que la parole de Marguerite Duras trop peu entendue dans ce montage. La personne de Michèle Manceaux aussi est bien moins intéressante que celle de l'écrivain. C'est dommage pour la comédienne.
Il suffisait de mettre le texte de Manceaux en perspective pour éviter l'écueil et avoir l'écart nécessaire entre JEU et JE.
Et pour la comédienne trouver les moments où, (voir les extraordinaires pages de Jean Gillibert dans l'Acteur en création), l'acteur de théâtre s'absente (on en a des ébauches quand elle passe derrière le fauteuil ou boit un verre)
Je ne trouve pas réussies les adresses directes aux spectateurs, codées théâtre pour enfant.
Bien entendu, je ne prendrais pas la peine d'écrire cela et de livrer une réflexion de femme de théâtre (j'ai monté deux fois des solos en JE, avec un acteur épatant) si je ne trouvais pas des grandes qualités à Nathalie Grauwin, totalement exposée.
Après avoir vu cette adaptation de l'Amie, j'ai lu d'une traite le livre bref de l'écrivain Bernard Sarrut Marguerite Duras à contre-jour.
Aucune rivalité jalouse ni aucune mesquinerie dans l'oeil de Sarrut. Artiste passionné de cinéma, il a connu et vu d'abord par ses films Marguerite Duras puis pendant plus de vingt ans, à Paris, à Neauphle, à Cannes, à Hyères, à Trouville, a été un de ses amis.
Il a écrit avec simplicité des choses fortes dans cet acte d'amour qu'est son livre. Lisez-le.