Le premier spectacle mis en scène par Michèle Venard que j’ai vu au théâtre était Un Homme véritablement sans qualité d’après le Journal de Kafka. Par l’excellence du jeu de l’acteur, Christian Fischer-Naudin, autant que par l’intelligence de la mise en scène, ces textes divers recomposaient une vraie pièce de théâtre. Le jeu des lumières extraordinairement subtil et varié suggérait de véritables décors et un simple fauteuil prenait une lourde signification.
Deux après j’ai suivi un soir le quai de la Gare sombre et désert pendant un temps qui m’a paru long. Arrivée à l’adresse indiquée, j’ai trouvé un local qui ne ressemblait que de très loin à un théâtre. Il y avait beaucoup de terre et des bancs en bois en gradins. Et puis, tout à coup, la magie a opéré. J’étais en Patagonie et je suis entrée dans la folie D’Antoine de Tounens qui fut roi quatre jours. Ce qui aurait pu être un conte baroque avec des décors pittoresques est devenu, grâce à la mise en scène dépouillée de Michèle Venard et au jeu des acteurs, une quête de l’absolu. Elle a exprimé en contrepoint les rêves de l’enfant et ceux de l’adulte. Une remarquable utilisation de l’espace et des lumières lui permet, avec peu d’éléments scéniques : terre, feu, poutres de bois, de recréer des paysages. De même un seul Indien représente toute une tribu.
Christian Fischer-Naudin donne à Antoine de Tounens une dimension tragique et poétique. On n’a pas une minute envie de rire de ce paysan qui voulut être roi. Il voulut aussi le bonheur des Indiens. Ceux-ci ont disparu et leur roi éphémère est mort, misérable dans un asile. Il fut victime d’une folle entreprise.
Mais n’y a-t-il pas folie aussi dans toute création artistique?
Michèle Venard artiste pourra dire comme Antoine de Tounens :
«J’ai vu ce que je voulais être et je l’ai été»
Hélène de Beauvoir
[ La jeune Poupette, petite sœur de Simone (cf Mémoires d’une jeune fille rangée) est devenue une femme peintre et graveuse de grand talent. ]
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