Cet Enfant par la Compagnie Louis Brouillard
Avec Cet Enfant, arrive au théâtre des Bouffes du Nord un travail social que le Syndicat de la critique a salué en 2006, d'une manière alarmante pour les écrivains du théâtre de l'incarnation, comme "la meilleure création en langue française".
Joël Pommerat, soutenu il y a quatre ans par la Caisse d'allocation familiale du Calvados a recueilli au cours d'interviews des témoignages de mères et dit s'être inspiré d'Edward Bond pour écrire ses scènes qu'il a "mises en scène" et auxquelles un cadre moins inspiré que les Bouffes du Nord suffirait bien, tant l'ensemble est dénué de toute imagination scénique.
Les personnages sont traités en ombre, immobiles ou assis sur le plateau nu. Toujours en frontal, fond de scène, un orchestre joue derrière un tulle. Sa "recherche d'écriture sonore" comme l'écrit vaniteusement le programme, à partir d'une chanson populaire est, elle aussi, bien petite. Le rythme du spectacle et d'écriture est systématique, prévisible: ses séquences sans lien organique sont coupées par un noir puis illustrées par les musiciens de l'orchestre suivis d'un noir etc… Quelle paresse de conception que cette juxtaposition roborative, aplatie, facile, sans travail.
Et encore, là où il faudrait des acteurs superbes pour transcender le quotidien, sacraliser ce qui est dit, le faire décoller, (mais la structure textuelle de Pommerat et sa langue méritent-elles mieux ? ) les comédiens recrutés ne dépassent pas l'état basique d'un comédien mal formé, à la tonalité convenue du pathétique retenu, lui aussi bien répétitif. Plats et sans inspiration. La scène de la reconnaissance du cadavre à la limite de la pleurnicherie, ne dépasse pas le ton d'un café théâtre classe A3.
Un spectateur exigeant attend plus des acteurs. Ils doivent être des artistes, pas des assistantes sociales ou des pédagogues.
Il paraîtrait que cet " auteur metteur en scène ", Joël Pommerat, "choisi" par Peter Brook devenu bien âgé, s'installerait pour 3 ans en Résidence artistique aux Bouffes du Nord, théâtre extrêmement subventionné depuis 81 par le ministère de la Culture.
J'ignore quelles tractations financières, politiques et syndicales, et quels appuis idéologiques soutiennent ce garçon, "auteur" d'un Petit Chaperon rouge au TEP assez réussi dans sa tonalité étroite, mais il est sûr qu'un théâtre, encore, sera déserté par l'esprit.
En ce cas précis, sous son masque bien pensant imparable ( "comment vous osez attaquer les mère des quartiers difficiles" alors qu'il ne s'agit pas de cela dans une critique théâtrale! ) l'idéologie véhiculée est morbide pour ceux-là même dont il est question et dont Pommerat a fait son miel de la parole tout comme un François Bon avant lui et de la même manière, prédatrice.
Car plus on enfonce les gens dans l'histoire de leur quotidien mieux on les prédispose au mal.
Pour les spectateurs, cet enjeu d'écrasement des petits n'est pas lisible.
Recrutés par Télérama pour arriver aux Bouffes du Nord, les spectateurs voyeurs, sans culture théâtrale, et profondément méprisants, riaient, hier, à cette représentation de la misère du monde. MV
Aujourd'hui, Joël Pommerat est un auteur "en résidence" pour 3 ans au Théâtre de l'Odéon.
Ses pièces ont un grand succès. Tant mieux pour la billetterie.