Atelier permanent de Lectures et d’écoute
«à voix haute et nue»©
une séance par mois, un auteur par séance
Michèle Venard lit
Jeudi 1er mars à 19h précises (durée 55’)
fédor dostoïevski
Théâtre Pandora
30, rue Keller 75011 code 32 56 Paris métro Bastille
Réservations obligatoires 01 42 39 21 61
Tarif réduit pour les adhérents à l'Association
Pour le calendrier julien de la Russie orthodoxe, Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski est né dans un pavillon de l'hôpital des pauvres de Moscou où son père était médecin, le 30 octobre 1821.
Il a 19 ans quand ce père, homme arrogant et cruel, est assassiné par ses moujiks.
Puis, il paye d'une condamnation à mort commuée en dix ans de bagne son adhésion passagère au socialisme athée. De sa déportation en Sibérie, il tirera Souvenirs de la maison des morts qui paraîtra en 1860. Dans les baraquements, il partage sa vie avec des forçats de droit commun et ce rapprochement avec le peuple russe orthodoxe ira nourrir son mysticisme et plusieurs passages importants de ses livres comme une partie de Crime et Châtiment.
Mais encore, depuis son incarcération en 1849, jusqu'à la publication des Frères Karamazov en 1879, Dostoïevski se trouvera placé sous surveillance des services secrets du tsar qui révisent son courrier, surveillent ses relations, contrôlent ses bagages aux frontières. Sujet à de violentes crises d'épilepsie…(……………)…...
Après deux hémorragies et avoir lu dans un évangile ouvert au hasard "Ne me retiens pas" (Matth.III 14), celui qui, au fond de son enfer, avait rencontré le Christ, et que la foi a guidé dans sa vie privée, dans sa vie d'écrivain et dans sa vie politique, meurt le 28 janvier 1881. Son enterrement sera suivi par plus de trente mille personnes.
(extraits de la notice remise gratuitement aux spectateurs et aux adhérents à l'association En Perce Théâtre et Formation, Fédération de lecteurs)
Michèle Venard lira la bouffonne Nouvelle, Le Crocodile .
Ingurgité grotesquement par un crocodile, "produit d'importation", un honorable fonctionnaire, vaticine dans le ventre du monstre et, réclamant l'appui de la presse, ambitionne de porter sa philosophique parole dans les Salons et jusqu'au Tsar.
"Quelle est la propriété fondamentale du crocodile ? la réponse est évidente :avaler les gens"
"Je vais désormais édifier le vain peuple… C'est du fond d'un crocodile que viendront désormais la vérité et la lumière… une théorie nouvelle des rapports économiques modernes…"
"Il nous faut de l'industrie, nous avons trop peu d'industries. Il faut la faire naître. Il faut faire naître des capitaux, donc, il faut créer une classe moyenne, une bourgeoisie, comme on dit. Et vu qu'il n'y a pas de capitaux chez nous, il faut donc les attirer de l'étranger. Il faut tout d'abord donner le champ libre aux compagnies étrangères pour l'achat de nos terres....quand toute la terre sera aux mains des compagnies étrangères qu'on aura attirées dans notre pays, il est clair qu'on pourra fixer le prix qu'on voudra au fermage. Par conséquent le moujik travaillera trois fois plus, rien que pour son pain quotidien; on pourra le congédier quand on voudra, donc il le saura, il sera soumis et appliqué et il produira trois fois plus pour le même prix...."
Je n'ai pas du tout trouvé ce texte "féroce"...mais au contraire d'une attention émerveillée à l'identité des personnages qu'il crée. A partir du moment où il se permet de donner vie à un être, quel qu'il soit, Dostoïevski le respecte, même s'il s'agit d'un salaud. Et j'ai senti l'humour "savoureux" de cette nouvelle comme une complicité étonnante avec ces drôles de créatures...(--Comme dans toutes ses oeuvres comiques d'ailleurs--L'Eternel mari, le Double et autres Un coeur faible). D'où la force de sa drôlerie--que tu as si contagieusement transmise ce soir !
J'applique volontiers à Dost. cette réflexion, qui est pour moi un référent , du (très grand) viennois Hofmannsthal : "Toute représentation d'un être est déjà une indiscrétion ; expier ce vice originel par une activité contraire qu'on ne peut qualifier que de religieuse, c'est le sens de tout effort supérieur en art." --"Le Crocodile" (et c'est d'autant + admirable que c'est une oeuvre comique) ne peut être conçu que par un homme qui établit des relations de contemplation avec ses créatures... (Je me disais également en t'écoutant que c'est un écrit d'un genre plus baroque que burlesque, ce qu'il est aussi bien sûr).
MV Je vois ce que tu as ressenti et élaboré . Moi, je maîtrise très peu du sens compris par moi en amont. Je vais en avant. Je suis dans le rythme. Je pars pour un voyage. Ce que je peux comprendre lors de la lecture des yeux en chambre se transforme et m'échappe avec le passage à la mise en son et ce dès la première répétition chez moi. Bien heureusement. Sinon je serai dans l'explicatif, le pédagogique, l'intentionnel, le prouvé. Ce que je veux, c'est m'envoler. Et si les spectateurs s'accrochent à la comète, nous voguons... c'est une impression formidable. Merci de ce que tu dis. Bises et à bientôt mon cher Jacques